Le 20 juillet 1969 en France, Jean-Paul Kneib, alors âgé de 2 ans, est réveillé par ses parents pour regarder l’alunissage à la télévision. Qu’il se souvienne vraiment de cet événement ou qu’on le lui ait raconté plusieurs fois, il en a gardé un souvenir impérissable qui l’a amené à devenir astrophysicien et directeur académique du Centre spatial de l’EPFL.
« Faisons quelque chose d’extraordinaire ! »
Il n’est pas toujours facile de savoir où se trouve Jean-Paul Kneib. Certains jours, il est à l’observatoire de Versoix où il effectue des recherches pour son Laboratoire d’astrophysique (LASTRO). D’autres, il est sur le campus de l’EPFL pour enseigner ou rencontrer des étudiantes et étudiants au Centre spatial de l’EPFL. Et souvent, il est ailleurs. En Suisse, en Europe ou même plus loin, comme en Australie ou en Afrique du Sud, en tant que délégué scientifique suisse au Square Kilometre Array Observatory (SKAO), représentant le consortium suisse (SKACH) qu’il a contribué à créer.
Avant de démarrer sa longue carrière dans le domaine spatial, Jean-Paul Kneib a obtenu un master en technologie spatiale à l’Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace (ISAE) de Toulouse, puis un doctorat en astrophysique à l’Université de Toulouse.
« Pour moi, l’espace était si mystérieux qu’il fallait faire quelque chose d’extraordinaire, confie-t-il. J’aime observer les choses que l’on ne comprend pas, les étudier et les expliquer. »
Après avoir obtenu son doctorat en moins de trois ans, il a d’abord rejoint l’Observatoire européen austral au Chili, puis l’Institut d’astronomie de l’Université de Cambridge pour une bourse postdoctorale. Il a ensuite intégré le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) à Toulouse. Il a aussi passé deux ans en tant que professeur invité à CalTech, aux États-Unis, avant de retourner à Marseille, où il a dirigé un groupe de recherche en cosmologie au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille.
En 2012, il rejoint l’EPFL grâce à un financement « ERC Advanced Grant » afin d’y mener des recherches pour avoir une meilleure compréhension des « éléments sombres » de l’Univers. En 2016, il devient professeur ordinaire et prend la direction du Laboratoire d’astrophysique (LASTRO). En 2017, il se voit offrir la possibilité de diriger et de développer le Centre spatial de l’EPFL (eSpace).
« Au début, je ne savais pas exactement dans quelle direction aller, mais les étudiantes et étudiants sont vraiment enthousiastes et motivés par l’espace. Je voyais donc un grand potentiel de développement dans ce domaine très dynamique », indique-t-il.
En plus de soutenir et de conseiller les groupes d’étudiantes et d’étudiants qui travaillent sur l’espace, il gère également les nombreux projets de recherche de eSpace sur des sujets tels que l’exploration lunaire et la durabilité dans l’espace. Il dirige les efforts pour trouver des opportunités de financement et contribue à relier la recherche spatiale à l’ensemble du campus de l’EPFL. Il fait également de la vulgarisation scientifique, par exemple à travers l’exposition Cosmos Archaeology qui a animé EPFL Pavilions en 2022-2023 et qu’il a mise en place en collaboration avec Sarah Kenderdine du Laboratoire de muséologie expérimentale (EM+). L’exposition comprenait la vidéo « Archaeology of Light » qui utilise des données astronomiques recueillies par Jean-Paul Kneib au cours de la dernière décennie.
« C’était un nouveau défi pour moi, explique-t-il. Si c’est trop facile, ce n’est pas intéressant. »
Il n’y a pas de planète B
Des décennies de lancements et la récente commercialisation de l’espace ont abouti à des orbites encombrées, augmentant le risque de collision entre les satellites et les débris spatiaux. Cette situation ne fera qu’empirer, car il est prévu de lancer plus de 50 000 satellites au cours de la prochaine décennie, ce qui met en péril la capacité de l’orbite terrestre à accueillir de nouveaux objets en toute sécurité.
Jean-Paul Kneib s’intéresse à ces défis depuis un certain temps déjà. « La durabilité dans l’espace est une question majeure qui devrait préoccuper tous les êtres humains, car nous dépendons de manière critique des mesures, des informations et des communications provenant de l’espace, déclare-t-il. En tant qu’astrophysicien, vous savez qu’il n’y a qu’un seul endroit habitable dans le système solaire : la Terre. Il n’y a pas de planète B. Si vous ne prenez pas votre part de responsabilité, rien ne changera. »
En 2018, Jean-Paul Kneib a soutenu la création de la start-up ClearSpace à partir d’une idée de projet qui a vu le jour à l’EPFL en 2012. ClearSpace a été choisie par l’ESA pour effectuer une mission d’élimination de débris spatiaux en 2026, au cours de laquelle elle s’approchera, capturera et fera rentrer dans l’atmosphère la partie supérieure d’un adaptateur de charge utile secondaire VESPA du lanceur européen Vega.
En 2021, un consortium dirigé par le Forum économique mondial a choisi eSpace pour héberger le Space Sustainability Rating (SSR), un système d’évaluation volontaire mis au point pour inciter les opérateurs spatiaux à adopter des pratiques durables. Un certain nombre d’entre eux s’est engagé dans cette initiative en tant que membres de soutien et bêta-testeurs, et la première évaluation officielle a été attribuée en 2022. En juin 2023, le SSR s’est séparé de eSpace pour devenir une association indépendante à but non lucratif, dont Jean-Paul Kneib est le président.
La prochaine frontière en astrophysique
Jean-Paul Kneib est également responsable de la contribution de la Suisse au Square Kilometre Array Observatory (SKAO), un projet international de construction de deux radiotélescopes géants en Australie et en Afrique du Sud, qui fournira de nouvelles informations sur les origines de l’Univers et peut-être même des signes de vie intelligente au-delà de notre système solaire.
Il s’est intéressé à ce projet dès 1998, date à laquelle remontent les premières discussions sur le développement d’un radiotélescope géant. Le passage du projet SKA du stade de l’idée à celui de projet a renforcé l’intérêt de Jean-Paul Kneib pour cette question. Et, en 2016, il est devenu le principal scientifique suisse du SKA et a réuni un groupe de scientifiques suisses pour promouvoir la participation de la Suisse. En 2022, la Suisse a officiellement rejoint le SKA sous la houlette du professeur Jean-Paul Kneib. Les activités techniques et scientifiques sont désormais organisées par le consortium SKACH, qui regroupe neuf institutions suisses.
« La radioastronomie est l’une des prochaines frontières dans le domaine de l’astronomie et de l’astrophysique, car la puissance croissante des ordinateurs permet d’assimiler les centaines de pétaoctets de données qui seront produites par le SKA. »
Regroupement de la recherche sur l’espace à l’EPFL
Le Centre spatial de l’EPFL a été restructuré en 2023. Il comprend désormais deux unités : eSpace qui est responsable des aspects liés à l’éducation et à la recherche, et Space Innovation, qui vise à développer des solutions et des produits innovants dans le domaine spatial grâce à son réseau actif d’industries, d’organismes de recherche et de technologies, ainsi que de partenaires universitaires suisses.
C’est un nouveau défi que le professeur Jean-Paul Kneib se réjouit de relever. Il est enthousiaste à l’idée de continuer à faire du Centre spatial de l’EPFL un atout pour la communauté estudiantine, la communauté de recherche et pour l’industrie dans toute la Suisse.
« En tant que membre d’une université, on souhaite faire émerger des talents et travailler sur des projets transformateurs. Suivre les étudiantes et étudiants, les aider dans leurs projets et leur trouver un emploi est très important pour moi, explique-t-il. Cela signifie que nos projets doivent être pertinents et ambitieux. »
Traduit de l’anglais